La récente déclaration de Corneille Nangaa, annonçant la mutation prochaine de la RDC en “ République Fédérale du Congo ”, ne doit pas être lue comme une simple proposition de réforme constitutionnelle. Venant du coordonnateur de l’Alliance Fleuve Congo (AFC), une plateforme politico-militaire alliée au M-23 (et par extension soutenue par le Rwanda), cette sortie médiatique constitue une manœuvre stratégique périlleuse pour l'intégrité nationale.
Sur le plan théorique, le fédéralisme est un mode d’organisation de l’État où le pouvoir est partagé entre un gouvernement central et des entités fédérées (provinces ou régions) qui disposent d'une large autonomie (législative, budgétaire, policière). Dans le contexte de l'Est de la RDC, cette notion résonne particulièrement pour deux raisons contradictoires :
L'argumentaire de séduction :
Les populations de l'Est, victimes de décennies de guerres et se sentant souvent délaissées par l'administration de Kinshasa, peuvent être tentées par l'idée d'une autonomie accrue pour gérer leurs propres ressources et leur sécurité.
La réalité géopolitique :
Dans une zone en proie à des convoitises étrangères et à des conflits intercommunautaires, le fédéralisme est historiquement redouté comme l'antichambre de la sécession. Proposé par une rébellion armée soutenue par un pays voisin (le Rwanda), le fédéralisme ne vise pas ici une meilleure administration, mais la création de « zones tampons » échappant au contrôle de Kinshasa.
Dans cette logique, je crois que Corneille Nangaa Yobeluo poursuit trois objectifs inavoués mais stratégiques :
1. Légitimer l'insurrection : En parlant “ République Fédérale ”
Nangaa tente de transformer une agression militaire en une revendication politique légitime. Il essaie de se départir de l'image de “ seigneur de guerre ” ou de “ traître ” pour endosser le costume du réformateur de l'État, espérant ainsi gagner le soutien d'une élite locale frustrée.
2. Le Cheval de Troie de la Balkanisation :
C'est le danger majeur. Ce fédéralisme, imposé par les armes, viserait à entériner une partition de fait du pays. En créant des entités autonomes à l'Est, affaiblies face aux voisins mais indépendantes de Kinshasa, l'AFC/M-23 faciliterait la main mise économique et sécuritaire du Rwanda sur les richesses du Kivu, sous couvert d'autonomie régionale.
3. Préparer la table des négociations :
En plaçant la barre très haut (changement de la forme de l'État), Nangaa cherche à forcer le gouvernement à négocier. C'est une tactique classique : exiger la fédération pour obtenir, a minima, l'intégration politique et militaire des cadres du M-23 et le maintien de leur influence dans la région.
Face à cette rhétorique, le gouvernement de Kinshasa doit faire preuve d'une extrême prudence et éviter deux écueils : le déni total ou la négociation naïve. Ainsi, le gouvernement Congolais doit faire preuve de ces actions urgentes : Ne pas tomber dans le piège sémantique : Kinshasa ne doit pas engager le débat sur le fédéralisme avec une forcer rebelle.
Discuter de la forme de l'État sous la menace des armes revient à légitimer l'agresseur comme un interlocuteur politique valable. La réforme de l'État est un débat citoyen et parlementaire, pas une rançon de guerre.
Renforcer la présence de l'État :
La meilleure réponse au discours fédéraliste de Nangaa est de prouver l'efficacité de l'État unitaire. Cela passe par une décentralisation effective (déjà prévue par la Constitution mais mal appliquée) et une sécurisation accrue des frontières.
Mobilisation diplomatique et militaire :
Le gouvernement doit dénoncer cette déclaration comme une preuve supplémentaire des velléités annexionnistes du M-23 et de ses parrains. Il s'agit d'une menace directe contre l'intangibilité des frontières héritées de la colonisation.
En conclusion, la “ République Fédérale ” de Corneille Nangaa n'est pas un projet de société, c'est un projet de conquête. C'est l'habillage politique d'une stratégie militaire visant à morceler la RDC pour mieux l'assujettir. L'unité du Congo est ici testée non seulement sur le champ de bataille, mais aussi sur le terrain des idées.
De Reagan Malikidogo, Journaliste Analyste Politique Indépendant. E-mail : reaganmalick@gmail.com


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